Auteure ? Écrivaine ? Autrice ? Romancière ?
Je me rappelle très bien de ma réaction la première fois que j’ai lu les mots « auteure » et « écrivaine » ! Je crois que c’était dans une préface... J’ai été surprise. Très agréablement surprise ! J’ai relu ! C’était comme un délicieux bonbon au chocolat ! Je les ai adoptés et j'ai essayé de les utiliser quand l’occasion (trop rare !) s’en présentait, avec ce petit plaisir qu’on a à faire une chose un peu interdite.
Quand était-ce ? Où ? Et qui ? Il me semble me souvenir que c’était sous la plume d’une canadienne... Dans les années soixante-dix ? Pas si sûr. Je n’ai pas réussi à retrouver ce texte. En farfouillant dans les préfaces des recueils de textes de science-fiction écrits pas des femmes de cette période, je n'ai retrouvé, sous la plume de Pamela Sargent ou de Marianne Lecomte, que des « femmes écrivains » et des « auteurs féminins de science-fiction ». C’était donc ailleurs... Ou un peu plus tard. Dans les années quatre-vingt, ils sont devenus usuels au Québec.
J’ai conservé ces jolis mots : auteure, écrivaine... Beaucoup plus récemment j’ai découvert (dans Charlie Hebdo !) le mot « autrice ». Mais mon cœur était déjà pris, et sur mon site et mes cartes de visite je suis « Catherine Lamour auteure ». C’est un choix sentimental, comme on reste attaché à la première version entendue enfant d’une œuvre musicale. J’admets totalement qu’on en fasse un autre !
Celles qui choisissent « autrice » ont d’ailleurs de bonnes raisons de le faire.
Allez ! Un petit rappel historique !
« Auteur » vient du latin « auctor ». Il semblerait que le mot date du XIIe siècle mais on n’en est pas certain.
Le féminin d'« auctor » est « auctrix ». En France, « autrice » est employé jusqu’au XVIIe siècle, de même que « peinteresse », « médicine », « prieure », « mercanteresse », « tavernière », « feronne » et bien d’autres noms de métiers exercés par des hommes ou par des femmes.
En 1634, le cardinal de Richelieu crée l’Académie Française (composée uniquement d'hommes) et exige la suppression du féminin de nombreux noms de métiers. Disparition de « médicine », « peinteresse » et « autrice », qui laissent toute la place à « médecin », « peintre » et « auteur ». Si les femmes continuent à exercer ces professions, il sera désormais clair qu’elles pratiquent des métiers d’hommes !
La reféminisation des noms de métiers et de profession (car il s’agit bien d’une reféminisation et non pas d’une féminisation) débute au XXe siècle :
►au Québec en 1979 (sur recommandation de l’Office québécois de la langue française)
►en Suisse en 1990 (pas de décret mais des instructions données dans ce sens)
►en Belgique en 1993 (par un décret)
►et enfin... en France en 1996 (création d’une commission) et 1998 (première circulaire).
Mais... l’Académie Française s’y oppose ! Et ce n’est que... le 28 février 2019 qu’elle cesse d’y faire obstacle (cf l'article de Ouest-France).
Entre « auteure » et « autrice », l’Académie Française n’a pas tranché. Auteure est plus usuel dans les pays francophones et rajouter un e au féminin est d’un usage courant (supérieur-supérieure, prieur-prieure, professeur-professeure...). Mais, bien qu’oublié depuis, autrice a été employé en France jusqu’au XVIIe siècle et de nombreux mots en -eur ont un féminin en -ice (facteur-factrice, acteur-actrice...).
Les deux se défendent. Et cela ne mérite aucun conflit. Que chacune fasse comme elle veut !
Écrivaine ? Romancière ?
Je les emploie aussi, mais depuis peu.
Dans une discussion, un collègue auteur disait un jour : « Quand je serai célèbre, je me dirai auteur, pour le moment je suis juste un écrivain ». Pour moi c’était le contraire ! Victor Hugo était un écrivain, et moi je n’étais qu’une auteure. Je me suis alors rendu compte que cela importait peu.
J’écris des romans, alors je suis écrivaine et auteure et romancière. Et si on me dit autrice, ça ne me choque pas. Et si ceux que la reféminisation des mots dérange (et j’en connais), ils peuvent me dire auteur ou écrivain, je me contente d’en sourire.